« Pourquoi je ne viendrai plus au Forum de Davos »
Cofondateur de ONE, une ONG de lutte contre la pauvreté, Jamie Drummond ne supporte plus les promesses non tenues du Forum économique mondial de Davos. Il le dit haut et fort.
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Theresa May et Donald Trump, au Forum de Davos, le 25 janvier.
/ Evan Vucci/AP
/ Evan Vucci/AP
C’était l’époque où ce que j’appelle « l’homme de Davos » – qui désigne ces élites qui vivent dans leur bulle et décident du destin de ceux qui n’auront jamais accès au forum – réclamait le paiement de la dette des pays pauvres en leur imposant des conditions terribles, ouvrant leur économie aux forces du libre-échange sans aucune protection pour les populations les plus pauvres de la planète.
Or, à ma grande surprise, la campagne « Pour l’annulation de la dette » a marché. Les gens de Davos, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international ont été sensibles à nos arguments et plus de 110 milliards de dollars de dettes ont été abandonnés, principalement en faveur de pays africains.
Puis nous avons fait campagne pour la lutte contre le Sida. Et, là encore, nous avons été écoutés. Grâce à la mobilisation internationale, des millions de vies ont pu être sauvées.
L’organisation ONE que j’ai cofondée avec le chanteur Bono et d’autres activistes a ainsi prouvé qu’avec un message fort et une mobilisation des citoyens on pouvait obtenir des changements.
Le combat porte donc ses fruits…
J. D. : Oui, mais ce que nous avons obtenu n’est pas assez. Le monde reste dangereusement fracturé et inégalitaire. Et si le forum a permis de réaliser quelques progrès, les causes et les conséquences de la crise financière mondiale que l’homme de Davos a contribué à provoquer ne sont pas résolues. Je pense à l’extrême pauvreté, aux inégalités homme-femme, au changement climatique, à la corruption…
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Voilà pourquoi je demande au Forum de Davos d’être le moteur de changements plus profonds, plus rapides. Ou de s’arrêter. En tout cas, j’ai décidé de ne plus venir à Davos si des progrès sensibles ne sont pas réalisés rapidement dans trois domaines qui me paraissent essentiels.
Quels sont ces trois grands défis que vous appelez à relever ?
J. D. : La première urgence est éducative. Pour affronter ce problème, on sait qu’il faudrait au Partenariat mondial pour l’éducation 2 milliards de dollars supplémentaires de fonds par an d’ici à 2020. Le 2 février, le président Macron et son homologue sénégalais, Macky Sall, coprésideront un sommet historique sur le sujet à Dakar. Nous verrons si les engagements pris sont à la hauteur des besoins.
Le deuxième défi concerne l’égalité homme-femme. Les femmes sont les premières victimes de la pauvreté dans le monde. Ce sont elles qui sont les premières discriminées, particulièrement dans les pays pauvres, en matière d’accès au crédit, au foncier, à l’éducation, au pouvoir politique. Cela doit changer et changer rapidement.
Enfin, il faut un partenariat mondial ambitieux pour développer le potentiel extraordinaire de l’Afrique. En 2050, la population du continent sera multipliée par deux pour atteindre 2,5 milliards d’habitants. À cette date, 2 jeunes sur 5 dans le monde seront des Africains ! Si l’on ne veut pas que ce boom de la jeunesse ne se transforme en catastrophe, il faut massivement investir en Afrique et régler les problèmes de mauvaise gouvernance, de corruption, d’évasion fiscale, d’accaparement des ressources qui bloquent le développement du continent.
Ce que vous avez entendu et vu au forum de Davos est-il propre à vous rassurer ?
J. D. : Le premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé que la contribution de son pays au Partenariat mondial pour l’éducation allait augmenter de 180 millions de dollars canadiens. C’est un bon signe. J’ai aussi apprécié l’intervention du président français Emmanuel Macron qui dispose d’un capital de sympathie qui peut être utile, au moment où il y a un manque évident de leadership sur la scène internationale. Mais il faudra voir s’il tient ses engagements, notamment celui de porter l’aide au développement de la France à 0,55 % du Revenu national brut d’ici à la fin de son mandat et à 0,7 % d’ici à 2025.
Le point d’inquiétude reste la politique menée par les États-Unis de Donald Trump. Lors de son arrivée au forum, jeudi 25 janvier, j’ai été consterné de voir la masse des participants se presser autour de lui, tout sourire.
J’aurais voulu monter sur une table pour hurler : « M. le président, n’avez-vous pas honte de vouloir couper l’aide à l’Afrique de 40 % ? Et vous, bande de fous, pourquoi faites-vous bon accueil à cet homme-là ? »
Avec les années, je me suis fait beaucoup d’amis à Davos et je respecte le travail qui peut être accompli par le Forum. Mais, je ne peux plus supporter ce type de comportement.
Voilà pourquoi je demande au Forum de Davos d’être le moteur de changements plus profonds, plus rapides. Ou de s’arrêter. En tout cas, j’ai décidé de ne plus venir à Davos si des progrès sensibles ne sont pas réalisés rapidement dans trois domaines qui me paraissent essentiels.
Quels sont ces trois grands défis que vous appelez à relever ?
J. D. : La première urgence est éducative. Pour affronter ce problème, on sait qu’il faudrait au Partenariat mondial pour l’éducation 2 milliards de dollars supplémentaires de fonds par an d’ici à 2020. Le 2 février, le président Macron et son homologue sénégalais, Macky Sall, coprésideront un sommet historique sur le sujet à Dakar. Nous verrons si les engagements pris sont à la hauteur des besoins.
Le deuxième défi concerne l’égalité homme-femme. Les femmes sont les premières victimes de la pauvreté dans le monde. Ce sont elles qui sont les premières discriminées, particulièrement dans les pays pauvres, en matière d’accès au crédit, au foncier, à l’éducation, au pouvoir politique. Cela doit changer et changer rapidement.
Enfin, il faut un partenariat mondial ambitieux pour développer le potentiel extraordinaire de l’Afrique. En 2050, la population du continent sera multipliée par deux pour atteindre 2,5 milliards d’habitants. À cette date, 2 jeunes sur 5 dans le monde seront des Africains ! Si l’on ne veut pas que ce boom de la jeunesse ne se transforme en catastrophe, il faut massivement investir en Afrique et régler les problèmes de mauvaise gouvernance, de corruption, d’évasion fiscale, d’accaparement des ressources qui bloquent le développement du continent.
Ce que vous avez entendu et vu au forum de Davos est-il propre à vous rassurer ?
J. D. : Le premier ministre canadien Justin Trudeau a annoncé que la contribution de son pays au Partenariat mondial pour l’éducation allait augmenter de 180 millions de dollars canadiens. C’est un bon signe. J’ai aussi apprécié l’intervention du président français Emmanuel Macron qui dispose d’un capital de sympathie qui peut être utile, au moment où il y a un manque évident de leadership sur la scène internationale. Mais il faudra voir s’il tient ses engagements, notamment celui de porter l’aide au développement de la France à 0,55 % du Revenu national brut d’ici à la fin de son mandat et à 0,7 % d’ici à 2025.
Le point d’inquiétude reste la politique menée par les États-Unis de Donald Trump. Lors de son arrivée au forum, jeudi 25 janvier, j’ai été consterné de voir la masse des participants se presser autour de lui, tout sourire.
J’aurais voulu monter sur une table pour hurler : « M. le président, n’avez-vous pas honte de vouloir couper l’aide à l’Afrique de 40 % ? Et vous, bande de fous, pourquoi faites-vous bon accueil à cet homme-là ? »
Avec les années, je me suis fait beaucoup d’amis à Davos et je respecte le travail qui peut être accompli par le Forum. Mais, je ne peux plus supporter ce type de comportement.
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